Economie solidaire

Eme et Laville définissent l’économie solidaire comme « l’ensemble des activités économiques soumis à la volonté d’un agir démocratique où les rapports sociaux de solidarité priment sur l’intérêt individuel ou le profit matériel ; elle contribue ainsi à la démocratisation de l’économie à partir d’engagements citoyens ». Ces auteurs soulignent en outre que « cette perspective a pour caractéristique d’aborder ces activités, non par leur statut (associatif, coopératif, mutualiste…), mais par leur double dimension, économique et politique, qui leur confère leur originalité. » (Eme et Laville 2006 : 253)

La dimension économique :hybridation des ressources

S’inspirant des principes de comportement économique mis en évidence par Polanyi (administration domestique, réciprocité, redistribution et marché), Jean-Louis Laville a mis en évidence le fait que l’activité économique s’articule, dans des proportions variables selon l’époque et le lieu, autour de trois pôles : le monétaire marchand (le marché), le monétaire non-marchand (la redistribution opérée par l’Etat-providence) et le non-monétaire non-marchand (l’économie de proximité, c’est-à-dire le troc de biens et de services effectué par les individus dans leur voisinage). (Maréchal, 1998)

L’approche « économie solidaire » souligne l’hybridation de ces trois principes. Les ressources réciprocitaires sont présentes dès l’émergence de l’initiative ; le lien social constitue l' »impulsion réciprocitaire » faisant émerger des pratiques économiques. La consolidation de ces pratiques s’appuie ensuite sur l’hybridation de trois types de ressources : ressources réciprocitaires initiales, ressources publiques (redistribution non-marchande) et ressources marchandes.

La dimension politique : construction d’espaces publics autonomes

En mobilisant des formes de réciprocité mises en œuvre de manière volontaire par des citoyens « libres et égaux » (point sur lequel insistent tant le Manifeste de l’économie solidaire que des auteurs majeurs du mouvement), ces citoyens élaborent les conditions de leur indépendance économique et accèdent ainsi à – ou produisent – des espaces publics. On se trouve là au cœur de la dimension politique des initiatives d’économie solidaire, qui s’ancre sur la « construction d’espaces publics qui autorisent un débat entre les parties prenantes sur les demandes sociales et les finalités poursuivies ». (Eme et Laville 2006 : 254)

La pluralité des ressources permet d’éviter le basculement dans la seule logique de marché, d’une part, et l’instrumentalisation par les politiques publiques, d’autre part.

Economie solidaire et économie sociale

De par son insistance sur l’importance des pratiques effectives de participation, l’économie solidaire interroge les modes de fonctionnement très institutionnalisés de certaines organisations d’économie sociale (coopératives ou mutuelles de grande taille) qui n’incarnent plus très explicitement leur quête initiale de démocratie économique. Par ailleurs, l’approche « économie solidaire » insiste particulièrement sur le pluralisme économique « interne » des initiatives (hybridation des ressources), alors que l’économie sociale atteste plutôt, en se présentant comme un troisième grand secteur, du pluralisme fondamental du modèle socio-économique européen (Adam et Defourny 2006).

Mais il serait regrettable que les divergences, finalement mineures, entre les deux approches, ne débouchent sur des débats théoriques stériles et ne fassent oublier que ces concepts se rejoignent sur de nombreux points, bien plus fondamentaux, au point que les deux termes se retrouvent désormais souvent liés, et que l’on entend de plus en plus fréquemment parler d' »économie sociale et solidaire ».

Références :

  • Adam, S. et Defourny, J. (2006), « D’un concept à l’autre… Petit lexique international à usage belge », in L’Essor de l’Interfédé, décembre 2006, n° 38.
  • Eme, B. et Laville, J.-L. (2006) « Economie solidaire (2) » in Laville, J;-L. et Cattani, A.D. (eds) Dictionnaire de l’autre économie, Paris : Gallimard.
  • Maréchal, J.-P. (1998), « Demain l’économie solidaire », in Le Monde diplomatique, dossier « Imaginer une autre société », avril 1998.
  • Laville, J.-L. (1999), « Economie solidaire et tiers secteur », in Transversales Science/Culture, dossier « Eclairage sur… »le tiers-secteur en débat » », numéro 57, mai-juin 1999.
2018-04-04T14:08:46+00:00 décembre 20th, 2017|