Economie sociale au Sud

Historiquement, le concept d’économie sociale remonte au 19ème siècle. En termes actuels, l’économie sociale rassemble des entreprises des mouvements coopératifs, des sociétés de secours et d’assurance mutuels, des fondations et tous les autres types d’associations partageant certains principes qui en font des entités du « tiers-secteur » des économies modernes (1). Les organisations d’économie sociale diffèrent en effet du secteur privé à but lucratif en cela que leur objectif premier est la réponse aux besoins de leurs membres ou la poursuite d’un intérêt général plus large, plutôt que la maximisation du profit et la distribution de bénéfices aux investisseurs ou aux membres. Elles sont également clairement distinctes du secteur public (même si les associations peuvent recevoir des subsides publics pour remplir leur mission), car les organisations d’économie sociale sont des entités privés, dont la gestion est autonome et basée sur le principe « un membre, une voix » au sein de l’assemblée générale.

Il convient bien sûr de ne pas chercher à transposer de manière rigide, dans le Sud, des concepts initialement forgés dans le Nord. La notion d’économie sociale n’est d’ailleurs pas très répandue au Sud. Cependant, l’approche « économie sociale » est féconde pour saisir des réalités de plus en plus importantes dans les pays en développement, qui peuvent de fait être considérées comme faisant partie de l’économie sociale, même si elles ne s’en réclament pas et si leurs acteurs n’en ont pas toujours conscience. En effet, la marge de manœuvre des Etats dans leur fonction de redistribution étant réduite, les populations de ces pays se retrouvent plus que jamais contraintes de développer de nouvelles formes de solidarité et d’entraide, économiques et sociales tout à la fois, afin de résoudre les problèmes les plus cruciaux auxquels elles sont confrontées (Favreau et Fréchette 2000, p.6).

C’est ainsi que l’on assiste à la montée de réalités socio-économiques issues de dynamiques communautaires locales, qui se créent dans le sillage des mouvements paysans et ouvriers, des mouvements de développement communautaire ou de quartier ou au cœur des activités du secteur informel. Ces initiatives sont difficiles à appréhender avec des grilles de lecture traditionnelles, mais l’analyse en termes d’ « économie sociale » en fournit une approche particulièrement intéressante du fait qu’elle insiste sur la combinaison d’objectifs multiples, à la fois économiques et sociaux; qu’elle met en évidence le caractère hybride des ressources mobilisées et des biens et services produits, qui conjuguent des dimensions marchandes, non marchandes et non monétaires ; et qu’elle accorde une place centrale à la participation et à l’implication des personnes et populations concernées (Defourny et al. 2001, pp.5-6).

Les chantiers de l’économie sociale dans les pays du Sud sont divers : micro-finance, micro-assurance de santé , mutuelles de santé, commerce équitable, organisations de base, organisations locales ou représentations professionnelles, comité de gestion villageois, institutions communautaires, fonds de développement local…

Références :

  • Defourny, J., Social Economy, site du EMES European Research Network
  • Defourny, J., Develtere, P. & Fonteneau, B., « Le concept d’économie sociale confronté aux réalités du Sud », in STEP Research Group on Civil Society and Social Economy, L’économie sociale comme outil de lutte contre l’exclusion sociale et la pauvreté, Rapport final au bureau International du Travail (Programme STEP), 2001
  • Defourny, J. & Sarambe, I., « Les approches de l’économie sociale et solidaire face aux mutuelles de santé en Afrique », intervention présentée dans le cadre du Séminaire Régional sur les Dynamiques d’Economie Sociale et Solidaire en Afrique de l’Ouest et du Nord – Economie sociale, développement local, cohésion sociale, Ouagadougou, 2 au 4 mai, 2006
  • Direction générale de la coopération au développement, Note stratégique économie sociale, Service public fédéral affaires étrangères, commerce extérieur et coopération au développement, 2002
  • Favreau, L. & Fréchette, L. « Economie sociale, coopération Nord/Sud et développement », Cahiers du CRISES, janvier 2000

Lectures complémentaires :

  • Atim, C., »L’émergence d’un mouvement mutualiste au Sud », in Defourny, J., Develtere, P. et Fonteneau, B. (eds) L’économie sociale au Nord et au Sud, De Boeck, Paris et Bruxelles,1999
  • Charlier, S., Nyssens, M., Peemans, J.P. & Yepez, I. (eds), Une solidarité en actes, gouvernance locale, économie sociale, pratiques populaires face à la globalisation, Louvain : UCL, Presses Universitaires de Louvain, 2004
  • Defourny, J. et Develtere, « Origines et contours de l’économie sociale sociale au Nord et au Sud », in Defourny, J., Develtere, P. et Fonteneau, B. (eds) L’économie sociale au Nord et au Sud, De Boeck, Paris et Bruxelles,1999
  • Jacquier, C., « L’épargne et le crédit solidaire dans les pays en développement », in Defourny, J., Develtere, P. et Fonteneau, B. (eds) L’économie sociale au Nord et au Sud, De Boeck, Paris et Bruxelles,1999
  • Nyssens, M., Fonteneau, B. & Fall, A., « Economie populaire : creuset de pratique d’économie solidaire ? », in Defourny, J., Develtere, P., & Fonteneau, B. (eds) L’économie sociale au Nord et au Sud, De Boeck, Paris et Bruxelles,1999

Notes:

  • Les appellations de ce troisième secteur varient selon les continents, les approches, les périodes : économie solidaire, économie populaire, non-profit sector, économie du développement communautaire…
2018-04-04T14:08:46+00:00 décembre 20th, 2017|