Capital social

Apparue au début du siècle, la notion de capital social connaît une prospérité croissante en sciences sociales depuis une quinzaine d’années. Les travaux sont nombreux qui apportent des définitions variables selon les auteurs. Malgré cette abondance, il faut souligner cependant qu’étant donné le caractère très théorique des différentes définitions proposées du capital social, il est encore difficile de voir précisément à quoi il correspond et quels sont ses effets concrets.

D’après Putnam (2001), l’idée centrale du capital social est que les réseaux et les normes de réciprocité qui y sont associées ont une certaine valeur pour les individus eux-mêmes, mais aussi pour la collectivité. Le capital social renverrait donc aux processus de don/contredon soulignés notamment par Mauss, Bataille et Polanyi. Les effets du capital social sont supposés être très généraux. Putnam a montré par exemple qu’aux Etats-Unis, dans les régions où le capital social est plus élevé, les résultats scolaires des enfants sont meilleurs, leur bien-être est plus élevé, les enfants regardent moins la télé, le taux de crimes violents est plus bas, les gens sont moins belliqueux et en meilleur santé, les fraudes fiscales sont plus rares, la tolérance est plus grande, l’égalité économique et l’égalité civique sont mieux respectées.

Récemment, les grandes institutions se sont également emparées du concept de capital social. La Banque mondiale y voit les institutions, relations et normes qui déterminent la qualité et la quantité des interactions sociales d’une société et l’OCDE (2001), les réseaux, normes, valeurs et ententes qui facilitent la coopération au sein des groupes et entre eux. Dans cette optique, le capital social serait donc susceptible de recouvrir toutes les formes d’action collective, y compris les formes les plus traditionnelles d’entreprises.

« Le capital social est inscrit dans le réseau des relations d’un individu et est de ce fait une ressource d’emblée sociale », écrit Forsé (2001). Il désignerait donc un degré d’ouverture sur la société et sur autrui, un degré d’intégration sociale, une capacité à interagir avec les autres. Le capital social serait en quelque sorte le ciment qui rend possible et efficace un type d’action collective, qui suscite la coopération entre les individus pour la réalisation d’objectifs utiles à la collectivité. Détenu par les individus eux-mêmes, il n’est cependant valorisable que dans les rapports entre l’individu et son environnement extérieur. Lévesque et White (2001) soulignent ainsi que « le capital social est défini comme les ressources qui sont potentiellement rendues accessibles par la participation à des réseaux sociaux ». C’est ce qui fonde sa distinction avec le capital humain, qui est attaché à un individu et mesurable au niveau individuel indépendamment des interactions et relations avec autrui. Il en résulte qu’un individu peut être potentiellement détenteur d’un capital social, sans que celui-ci ne soit valorisé si cet individu ne participe à aucun réseau social. C’est un point essentiel pour ce qui concerne l’entreprise d’économie sociale, car on peut imaginer que celle-ci joue ce rôle de mise en valeur d’un capital social qui resterait sinon stérile.

Certains ont souligné que le capital social peut dans certains cas conduire à un recul des échanges sociaux et à un renfermement sur la famille ou les proches s’il est exclusivement fondé sur des liens forts (liens avec des proches) et non sur des liens faibles (liens avec l’extérieur). « Le capital social mobilisable est plus important lorsque l’individu peut accéder à des liens faibles » (Forsé, 2001). Mais on peut imaginer que des liens forts élevés puissent aussi déboucher sur des liens faibles développés : par exemple, la fibre associative peut être plus marquée et la participation à des associations plus élevée de la part des individus ayant des relations fortes avec leur entourage proche.

2018-04-04T14:08:46+00:00 décembre 20th, 2017|