Le micro-crédit

La microfinance peut se définir comme l’octroi de services financiers, généralement du crédit et/ou de l’épargne, à des personnes qui n’ont pas accès aux institutions financières commerciales. Depuis quelques années, cet outil a connu un essor considérable.

Il convient tout d’abord de préciser les raisons qui expliquent que les prêteurs traditionnels et, à fortiori, les banques ne réalisent pas d’opérations financières avec certaines personnes. Dans ce cadre, le lieu de vie de l’emprunteur potentiel peut être identifié comme un premier frein. En effet, les banques ne s’installent pas dans de nombreuses zones rurales car, outre les problèmes d’accès, la densité de population et le niveau d’activité n’est pas suffisamment élevé. Notons que certains quartiers urbains particulièrement pauvres sont également touchés par ce phénomène parce que les banques n’y perçoivent pas de potentiel d’activité suffisamment important pour s’y installer. Un second frein est constitué par l’importance des coûts de transaction, tant dans le chef des organisations que des individus, qui rendent difficiles l’organisation de services financiers commerciaux, les montants en question apparaissant, en effet, comme étant trop faibles. Le manque de garanties traditionnelles dont disposent certaines individus peut être considéré comme un troisième frein. Enfin, les différences de mentalité entre les petits emprunteurs – que nous qualifierons par la suite de microentrepreneurs – et les banques sont trop importantes pour que des activités commerciales soient entreprises.

Par définition, la microfinance regroupe donc à la fois les opérations de crédit et d’épargne. Jusqu’à présent cependant, l’attention s’est essentiellement portée sur l’aspect crédit de la microfinance, appelé alors microcrédit. Ce dernier se traduit le plus souvent par des prêts adressés à des individus ou à des groupes, leur permettant constituer des fonds de roulement ou de petits investissements. Initialement, les organisations visaient principalement les groupes, appelés groupes solidaires en raison de l’application d’un principe de couverture mutuelle entre les membres du groupe en cas de défaut de remboursement de l’un d’entre eux, ce principe étant de nature à accroître les probabilités de remboursement. Actuellement, les prêts à des individus ont toutefois tendance à se multiplier.

Quelles que soient les utilisateurs du microcrédit (groupes ou individus), les prêts sont octroyés sur base de taux d’intérêt généralement au moins aussi élevés que sur le marché bancaire traditionnel. Les garanties résident, quant à elles, dans de mécanismes liés à la pression sociale (dans le cas des groupes solidaires) et dans la motivation des individus à pouvoir continuer à bénéficier de financements.

Pour qu’un système de microcrédit fonctionne, les micro-entrepreneurs doivent avoir un intérêt à s’adresser aux organisations de microcrédit. Dans ce contexte, il faut que les microentrepreneurs aient soit un accès à de nouveaux services financiers, soit un accès à des services déjà existants mais à un « prix » inférieur à celui auquel ils font déjà face, dans le circuit informel par exemple. A cet égard, tous les coûts liés à l’obtention du crédit doivent être intégrés dans ce « prix » : les taux d’intérêt ainsi que les coûts de transaction doivent donc être pris en considération. Les coûts de transaction ne peuvent en effet être ignorés étant donné leur importance par rapport aux montants de crédit relativement faibles dont il est généralement question. En outre, dans un système de microcrédit, il convient également que les organisations qui y participent assurent leur pérennité. Ces structures doivent donc fixer un taux d’intérêt qui leur permettent de s’inscrire dans la durée, parfois au moyen de subsides plus ou moins importants accordés par les pouvoirs publics, les ONG, etc. Enfin, la microfinance doit fonctionner sur base d’un élément fondamental : la proximité. Celle-ci, d’ordre géographique et sociale, est, en effet, nécessaire afin qu’une relation fiable entre le microentrepreneur et l’organisation puisse exister.

Cela étant, il serait réducteur de confiner la microfinance aux opérations de crédit, qui dans la réalité  ne peuvent être dissociées de l’épargne. Il n’est, en effet, pas rare que les microentrepreneurs cherchent tout autant à constituer une épargne dans des conditions optimales de sécurité qu’à obtenir des prêts. Quant aux organisations, il est évident que l’épargne est, parmi d’autres, un moyen important pour elles de se financer et donc d’octroyer des crédits.

Il est intéressant de noter que la microfinance donne lieu dans différents pays à des initiatives qui peuvent être de nature parfois fort différente : banques, coopératives d’épargne et de crédit, institutions régulées, ONG, caisses villageoises et autres groupes auto-organisés. En Belgique, les coopératives Credal et Hefboom sont probablement les organisations les plus connues parmi celles qui réalisent des opérations de microcrédit. Au Sud, les exemples d’organisations offrant des services de microfinance sont nombreux. Outre la célèbre Grameen Bank du prix Nobel M. Yunus, on peut également citer la BRI en Indonésie et Prodem en Bolivie.

Un système de microfinance doit respecter un certain nombre de conditions, tant dans sa conception que dans sa mise en œuvre, afin de fonctionner de manière efficace. Mais même dans ce cas, ses effets supposés ne sont pas nécessairement assurés. Si l’on relève nombre d’expériences incontestablement positives, les résultats des études socio-économiques d’impact du microcrédit sont souvent difficiles à mener, apparaissent parfois contradictoires et ne peuvent déboucher sur l’affirmation d’un lien automatique entre microfinance et amélioration des conditions de vie. Ce lien semble, en particulier, très difficile à identifier lorsque l’on considère les fractions les plus pauvres de la population. Le rôle émancipateur de la microfinance auprès des femmes, souvent mis en exergue par certaines organisations, est par ailleurs tout aussi ambigu. Les possibilités de la microfinance sont à coup sûr immenses et le nombre de « succes stories » sont à cet égard parlantes, mais il convient aussi d’être conscient qu’en tant qu’outil de financement, il ne s’agit que d’un facteur parmi d’autres du développement socioéconomique.

Références :

  • Armendariz de Aghion B. et J. Morduch (2005), The economics of Microfinance, MIT Press, Cambridge.
  • Boyé, S., Hajdenberg, J. et C. Poursat (2006), Le guide de la microfinance, microcrédit et épargne pour le développement, Eyrolles, Paris
  • Labie, M. (2004), « Microfinance : un état des lieux », in Monde en développement 2004/2, n° 126, p. 9-23.
  • Labie, M. (1999), La microfinance en questions – Limites et choix organisationnels, Luc Pire, Bruxelles.
  • Milgrom, P. et J. Roberts (1997), « Economie, organisation et management« , De Boeck & Larcier, Paris-Bruxelles
  • Servet, J.-M. (2006), Banquières et banquiers aux pieds nus, Odile Jacob, Paris.
2018-04-04T14:08:20+00:00 décembre 20th, 2017|