En droit belge, la société coopérative (SC) est incluse dans le droit des sociétés commerciales, et la loi de 1873 qui définit cette forme de société ne retient de l’esprit coopératif que la variabilité du personnel et du capital et l’incessibilité des parts aux tiers ; le régime, souple et peu onéreux, rend le statut particulièrement attractif pour les entrepreneurs désirant créer une société, qu’ils s’inscrivent ou non dans une démarche respectant l’esprit rochdalien. Très vite, une distinction apparaît dès lors entre les « vraies » coopératives – celles véritablement animées d’un idéal coopératif – et les « fausses » – qui ne choisissent ce statut juridique que parce qu’il est particulièrement commode.
En réponse à cette situation, le législateur institue, en 1955, le Conseil National de la Coopération (CNC), et il prévoit la possibilité, pour les « vraies » coopératives, d’être agréées comme organismes habilités à participer à la formation d’une des commissions du CNC. Organe consultatif auprès du Ministère des Affaires Economiques, le CNC a notamment pour mission d’étudier et de promouvoir toute mesure propre à diffuser les principes et l’idéal de la coopération. Les principes que les sociétés coopératives qui veulent être reconnues comme « société coopératives agréées » doivent faire figurer dans leurs statuts sont les suivants :
- adhésion volontaire ;
- égalité ou limitation du droit de vote aux assemblées générales ;
- désignation des administrateurs et des commissaires par l’assemblée générale des membres ;
- taux d’intérêt modéré, limité aux parts sociales ;
- ristourne aux associés.
Si la SC agréée bénéficie de quelques avantages fiscaux et économiques, la portée de ceux-ci reste limitée. Cela contribue sans doute à expliquer le fait que la formule n’ait jusqu’à présent remporté qu’un succès mitigé : en 2005-2006, le nombre de SC agréées n’était que de 551 ; elles représentaient ensemble un volume d’emploi de quelque 5.660 ETP.
Le nombre total de sociétés coopératives connaît, lui, un véritable boom dans les années 1980 : d’un peu moins de 4.000 sociétés coopératives en 1980, on passe à près de 40.000 en 1990 ! (Mathis et Mattheeuws 1995 : 42) En fait, alors que le régime des autres formes de société à responsabilité limitée devient de plus en plus contraignant, le régime de la société coopérative ne change guère, ce qui accroît encore l’attrait de celui-ci aux yeux des entrepreneurs. Mais la souplesse du régime de la société coopérative, cause de son succès, entraîne aussi un renforcement de la perception de la SC en tant que simple échappatoire aux règles du droit des sociétés. C’est pour remédier à cet état de fait qu’est adopté, le 20 juillet 1991, un texte réformant le régime des sociétés coopératives belges. De l’avis de nombreux observateurs, cependant, cette réforme va dans le sens d’une assimilation du régime de la société coopérative à celui des sociétés commerciales à responsabilité limitée plutôt que dans le sens d’une véritable réhabilitation de l’idéal coopératif. En effet, si elle maintient la variabilité du capital et de l’effectif des membres, les valeurs coopératives semblent par ailleurs avoir été laissées de côté dans la nouvelle loi. Le principal changement réside dans le fait que les coopérateurs doivent désormais choisir entre la forme de « société coopérative à responsabilité illimitée et solidaire » (SCRIS) et celle de « société coopérative à responsabilité limitée » (SCRL) ; chacune de ces deux formes permet en outre d’opter pour la variante « coopérative de participation ». Les règles relatives à la cession des parts sont également modifiées.
Début avril 1995, le Parlement adopte une nouvelle loi relative aux sociétés commerciales, loi qui modifie également le droit des sociétés coopératives. Cette loi crée la société à finalité sociale(SFS) – variante que peut adopter toute société commerciale (y compris, donc, une SC) qui, tout en poursuivant un but non lucratif, pose à titre principal des actes de commerce. La variante « de participation » est dès lors supprimée, le législateur l’estimant similaire à la variante « à finalité sociale ». Les entrepreneurs véritablement animés d’un idéal coopératif et désireux de voir reconnaître la spécificité de leur démarche ont donc actuellement à leur disposition deux possibilités. La première consiste en l’obtention de l’agréation pour le CNC ; la deuxième est d’opter pour la qualité de coopérative à finalité sociale.
Au sein du vaste ensemble des coopératives, ne font bien sûr partie de l’économie sociale que les coopératives qui poursuivent véritablement un idéal coopératif, à savoir les coopératives agréées, les coopératives à finalité sociale et les coopératives dont la mission et le fonctionnement respectent l’esprit coopératif, même si elles n’ont pas jugé utile ou nécessaire une reconnaissance officielle par le biais d’une agréation pour le CNC ou de l’obtention du label « à finalité sociale ».
En ce qui concerne les secteurs d’activité des coopératives, on considère traditionnellement que le secteur coopératif belge est très concentré dans trois grands champs d’activité : l’agriculture (qui, entendue au sens large, regroupe environ trois cinquièmes de l’ensemble des SC agréées), la distribution pharmaceutique (les pharmacies coopératives desservent plus d’un cinquième de la population belge) et le secteur financier (domaine d’activité dans lequel le nombre d’organisations n’a cependant cessé de décroître, en raison principalement des phénomènes de concentration qui caractérisent, depuis plusieurs décennies, ce champ de l’activité économique). Il convient de noter également que la Flandre et la Wallonie semblent présenter des profils variés : du côté wallon, on observe une concentration élevée de coopératives agricoles de type CUMA (coopératives d’utilisation du matériel en commun) tandis que du côté flamand, l’accent semble davantage mis sur les coopératives de services. Dans l’ensemble, on remarque que les sociétés coopératives agréées les plus anciennes figurent aussi parmi les plus importantes, que ce soit en termes de nombre de membres ou en termes d’emploi salarié mesuré en équivalents temps plein.
Au niveau européen, un Règlement a été adopté en 2003 afin de doter les coopératives, entités normalement reconnues dans tous les États membres, d’instruments juridiques adéquats et propres à faciliter le développement de leurs activités transnationales ; il a ainsi créé la forme juridique de « société coopérative européenne » (SCE). Ce Règlement a été transcrit en droit belge par un Arrêté royal de novembre 2006, qui a intégré un nouveau livre – livre XVI – « La société coopérative européenne » – dans le Code des Sociétés.
Références :
- Defourny, J., Simon, M. & Adam, S. (2002) Les coopératives en Belgique : un mouvement d’avenir ?,Bruxelles : Editions Luc Pire.
- Dujardin, A. & Mertens, S., « Les coopératives agréées en Belgique : Une perspective macroéconomique », in Van Opstal, W., Gijselinckx, C., Develtere, P. (eds), Entrepreneuriat coopératif en Belgique, Théories et pratiques, Acco, Leuven, pp. 59-74
- Mathis, A. & Mattheeuws, C. (1995) « Les principes coopératifs et l’évolution de la législation coopérative belge », in Zevi, A. & Monzón Campos, J. L. (eds) Coopératives, marchés, principes coopératifs, Bruxelles : De Boeck Université.