Entreprise et atelier de formation par le travail (EFT et AFT)

Origine de l’agrément EFT/AFT

L’histoire du secteur de l’insertion socioprofessionnelle, et des EFT et AFT en particulier, remonte déjà à plus de trente ans. A partir des années 1970, afin de contrer la hausse du chômage et de l’exclusion sociale, des acteurs sociaux se sont mobilisés pour mettre sur pied des initiatives locales relevant de l’économie sociale et visant à la création d’emplois et à l’insertion socioprofessionnelle de personnes précarisées ou peu qualifiées. Ces initiatives, alors peu nombreuses et en marge des politiques publiques traditionnelles, se répandent à partir de 1980, certaines ayant comme objectif spécifique de permettre à des personnes en rupture avec le système d’éducation traditionnel de travailler tout en acquérant une formation grâce à l’encadrement de moniteurs spécialisés. Ces dynamiques, qui souvent se devaient de contourner la législation pour exister, sont reconnues en 1987 par le pouvoir de tutelle wallon au travers de l’agrément d' »entreprise d’apprentissage professionnel » (EAP), ce qui a permis à une série d’entre elles de sortir de l’illégalité. Mais la définition de l’EAP s’est rapidement révélée trop restrictive, ce qui a poussé les autorités publiques à édicter une nouvelle réglementation qui prenait en compte des réalités plus variées sous les agréments d' »Action intégrée de développement » (AID) ou d’ASBL d’insertion ».

Finalement, en 1995, la Région Wallonne a promulgué un nouvel arrêté relatif aux « entreprises de formation par le travail » (EFT) qui a élargi les conditions d’accès et inclut sous ce nouveau vocable tant les EAP que les AID et les ASBL d’insertion. De même, à Bruxelles, la dénomination d' »atelier de formation par le travail » (AFT) est également introduite en 1995.

C’est donc initiée par la mobilisation des acteurs sociaux et d’abord dans une démarche de contestation et d’autonomie par rapport aux pouvoirs publics que des initiatives, qui seront plus tard agréées comme EFT, ont vu le jour afin de répondre à de nouveaux besoins en termes d’emploi et d’insertion socioprofessionnelle de groupes précarisés. Par la suite, parallèlement à ces initiatives privées, les pouvoirs publics ont aussi mis en place leurs propres structures (via les CPAS par exemple).

Enfin, en 1997, face à un nombre croissant d’initiatives privées et publiques de formation par le travail, les EFT en Région wallonne et les AFT en Région bruxelloise ont été intégrés dans ce qu’on appelle les « dispositifs d’insertion socioprofessionnelle » (ISP) wallon et bruxellois.

Qu’est-ce qu’une EFT/AFT ?

Les EFT/AFT appartiennent au secteur de l’insertion socioprofessionnelle. Reconnues dans le champ des politiques d’insertion, les EFT sont soit constituées en ASBL, soit émanent d’un Centre Public d’Action Sociale (CPAS). Œuvrant dans le champ de l’insertion, elles assurent la formation de stagiaires en situation réelle de travail en recourant à une pédagogie spécifique et en leur offrant un accompagnement psychologique et social individualisé afin d’inscrire les stagiaires dans un processus de (ré)intégration professionnelle et sociale. La particularité de l’approche méthodologique des EFT réside dans l’alternance entre apprentissage théorique et formation par la mise en situation réelle de travail au sein de l’entreprise ou sur chantier. Cette méthode permet aux stagiaires d’acquérir des compétences professionnelles nécessaires à l’exercice d’un emploi ou à l’accès à une formation qualifiante. L’EFT n’offre dès lors pas un travail de longue durée aux stagiaires. Ceux-ci bénéficient d’une allocation de formation et ne restent dans l’EFT que de manière temporaire.

Aujourd’hui, les EFT/AFT sont rassemblés dans cinq fédérations différentes, elles-mêmes regroupées au sein de l’inter-fédération Interfédé, qui regroupe non seulement des fédérations d’EFT et d’AFT, mais aussi d’Organismes d’Insertion Socioprofessionnelle (OISP). En 2008, la Région wallonne a agréé 70 EFT, dont 58 sont des ASBL et 12 émanent de CPAS. Les EFT ont accueilli en 2006 pas moins de 3 653 stagiaires en Wallonie. La Région bruxelloise, quant à elle, a agréé 9 AFT en 2008.

L’agrément des EFT

La reconnaissance en tant qu’EFT passe par une procédure d’agrément sous certaines conditions formulées dans le décret wallon. En effet, le Ministre de la Région wallonne responsable de la formation professionnelle est chargé d’accorder un agrément ou non sur base de l’avis de la Commission d’agrément des EFT. Celle-ci est composée notamment par des représentants des pouvoirs publics, des représentants des employeurs et des travailleurs, des représentants du FOREm et des représentants des EFT (qui ne détiennent qu’une voix consultative). L’agrément est obtenu d’abord pour une période d’un an et peut ensuite être prolongé, sur base d’une évaluation positive, pour une durée de 3 ans renouvelable. Cet agrément offre l’opportunité aux EFT de bénéficier de subventions de la Région wallonne : subsides au démarrage, subventions annuelles, aides à l’emploi, etc.

Les EFT emploient deux types de personnes : les encadrants (moniteurs, éducateurs, formateurs, etc.) et les stagiaires, lesquels doivent être des demandeurs d’emploi adultes inscrits au FOREm et ne disposant pas d’un diplôme du deuxième cycle de l’enseignement secondaire ou d’un titre équivalent ou supérieur[1]. Les stagiaires suivent gratuitement une formation de jour sur une durée maximale de 18 mois (9 mois en moyenne), en ce compris les périodes prestées dans une entreprise, et sont indemnisés à hauteur d’un euro l’heure de formation.

L’activité des EFT donne lieu à la production de biens et services qui peut être commercialisée dans les limites imposées par la loi, c’est-à-dire en fonction du chiffre d’affaires par travailleur (en équivalent temps plein) et du taux d’encadrement des stagiaires. Agréées par la Région, elles bénéficient également de ressources non marchandes sous la forme de subventions publiques (Région wallonne, Fonds Social Européen). La mixité des ressources à la disposition des EFT, et notamment leur accès à un grand nombre de subventions, a contraint le législateur en 1995 à limiter de manière stricte les activités productives et commerciales afin d’éviter toute accusation de concurrence déloyale de la part des autres acteurs du marché.

Les défis majeurs des EFT/AFT

Les EFT et AFT, en tant qu’entreprises sociales d’insertion, s’inscrivent aujourd’hui clairement dans le cadre des politiques actives d’emploi menées par les pouvoirs publics. La tendance en effet est au développement de relations contractuelles entre les entreprises sociales d’insertion, en général, et les pouvoirs publics. Ce mode de fonctionnement comporte certes des avantages mais peut également étouffer l’autonomie et la capacité d’innovation des structures locales.

Par ailleurs, les acteurs de terrain mettent en évidence deux autres grands défis pour les entreprises/ateliers de formation par la travail. D’une part, le secteur doit pouvoir inciter les pouvoirs publics à formuler un objectif plus large que la seule insertion professionnelle afin de pouvoir également intégrer la dimension d’insertion sociale. D’autre part, le parcours d’insertion des individus propose une démarche séquentielle, chaque étape étant assumée par un acteur différent. Dans ce cadre, les EFT s’occupent des étapes de socialisation et de pré-qualification, tandis que les étapes de qualification et de placement  relèvent des CPAS, ce qui va à l’encontre des logiques de partenariat.

 

2018-04-04T14:08:47+00:00 décembre 19th, 2017|